jeudi 23 août 2012

LES MULETIERS - 7 poèmes




 
 
NAISSANCE DANS LA BOUCHE DE L'ETRANGERE
 
 
Tu fus en âge de te tordre.
Tu volas de petits ciseaux.
Ils étaient d'argent.
Ce fut le premier jour du rituel.
 
Tu coupas une plume au poussin.
Tu frottas les flancs de la jeune taure.
Tu lus les poèmes sur le visage du lépreux.
Ce fut le second jour du rituel.
 
Tu vins à la ville
Y chamarrer ta misère.
Les hommes naquirent dénaquirent
Dans ta bouche d'étrangère.
Ainsi le rituel fut consommé.
 

 
PROVENDE
 
 
Il y a.
Ou peut-être n'y a-t-il rien d'autre que le sac vide.
Des doigts creusant
le fantôme du froment.
Les lices de la faim.
L'impudence des os.
Les derniers mots noirs
dans les plis de la langue.

 

 
TALISMANIQUE
 
 
Après toutes ces années tu as compris
le jeu talismanique,
le fossile enfoui
au coeur de la paume dure.
 
Tu tends les bras
mais ta paume est vide,
et tu souris largement aux autres,
tes dents rouges du suc rouge.
 
 

 
LES BÊTES DE SOMME
 
 
Les Dieux nous retiennent, une
main à notre épaule :
Bêtes de somme, buvez avec nous !
S'avance le mesureur
de cotyles ;
le commerce de cet homme veut
qu'il porte
à un lien ses gobelets,
lesquels il loue aux buveuses attentives
à leur soif,
 mais soucieuses de leur équipage.
On l'accueille
avec transport ; l'Oubli coule.
Voilà un métier !
Eh bien, mesureur, qui a bu
à tes mesures, ces temps derniers ?
Les vifs, bêtes de somme,
car les morts se sont achetés une conduite.
Les Dieux rient.
Nous rions - ah, farceur de mesureur !
Le jour s'allonge.
Il nous faut reprendre le labeur -
simulacres de femmes à chacun de nos pas,
fussent-ils enragés.
Les Dieux - ils s'en sont allés.
Le vin de l'endormissement
nous pèse.
La peine de nos corps,
traités en mépris,
fait nos ombres tortues
dans les heures trébuchantes.
 
 
 
LA CROISIERE
 
 
Tu crois voir une mer ici,
ce n'est qu'une vague de vin,
une houle de sang.
 
Vendange sûrie,
sang poivré,
voilà ta croisière.
 
 
 
LES FABLES DE LA VIANDE
 
 
Nourrir la légende collective, la marche
de damnation &
le jugement des morts - couronner le malheur
sociologique et historié, créer les bruits de la guerre
& les fables de la viande ;
puis retourner aux ventres
de nos mères
& s'y planter comme des flèches.
 

 
LES MULETIERS
 
 
Suivant
    de l'âme les
crottins
luisants de nos années
nous parvenons au coeur de terre,
                               muletiers têtus guidant nos
joies
            assoupies à l'enclos vermoulu,
où fument les croupes
de liens relâchés.
                                                      François Mottier.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


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