mardi 5 février 2013

307,9 MEMOIRES LEMANIQUES : le Ranz des Vaches, descente noble vers le Léman

 
     La culture gruérienne (District de la Gruyère, canton de Fribourg), n'est pas une culture lémanique. Mais rédigeant le premier post Goldyssey consacré au Léman et à ses proches entours, j'ai cependant trouvé juste d'ouvrir ces pages par un hommage rendu in extenso au Ranz des Vaches, magnifique chant a cappella des armaillis, bergers-vachers et fruitiers (fromagers) des Alpes Fribourgeoises, vallées et reliefs au haut nord-est du lac.
     C'est là l'un des plus beaux chants de la Confédération, peu avare à donner de la voix dans ses fêtes et manifestations, que nombre de citoyens ne détesteraient pas, à juste titre, voir devenir l'hymne national.
     Le Ranz est, à mes yeux, le symbole tout en puissante élégance, de la majestueuse descente d'une culture fort respectée en Suisse vers les rivages du Léman et au-delà, vers ceux du monde.
     Une lente, belle, et éternelle descente de la Suisse entière vers les cultures humaines.
     C'est ainsi que je le forme en mes songes.
 
     Qu'en est-il du Ranz des Vaches ? (J'ai conscience que ce post ne s'adresse qu'aux Suisses de coeur et non aux natifs). Le lyôba, hymne officieux de la Suisse Romande mais connu dans toutes les parties de la Confédération, est un chant traditionnel dont le nom vient du terme patoisant gruérien alyôbâ (signifiant l'action d'appeler le bétail), ou du terme loobeli, qui signifie en patois alémanique : vache, et que les bergers fribourgeois, ou armaillis, chantent durant le poya (l'alpée), la montée du troupeau à l'alpage, et durant la rindya (la désalpe), la descente automnale dans la vallée. Le chant est composé de 19 strophes, ce nombre n'ayant pas varié dans l'actuelle version imprimée en 1813, selon certains, par le pasteur vaudois Bridel, en 1710 par le professeur Théodore Zwinger, selon d'autres. Il se divise en trois parties : le conte de l'armailli, de son bouèbo (garçon de châlet) et de leur curé, et de deux refrains se chevauchant de strophe impaire en strophe paire, avec dans chacun l'appel aux vaches et la liste des particularités ou noms des bêtes.
   On sait que les jeunes soldats gruériens formant les gardes Suisses des rois de France, ne pouvaient entendre au bivouac le Ranz sans déserter par nostalgie. Aussi le chant fut-il frappé d'interdit à Versailles ! Il est vrai que sa grandeur alpestre et sa profonde mélancolie portent, aujourd'hui encore, que l'on soit Suisse ou non, les larmes aux yeux.
     De fameuses interprétations furent faites du Ranz, en particulier par le ténor Charles Jauquier, " chantre de l'église et de la terre ", et par le fromager Bernard Romanens qui en devint l'incarnation nationale de l'armailli Fribourgeois, respectivement aux Fêtes des Vignerons de Vevey de 1955 et 1977.
 
 
L'ARGUMENT DU RANZ DES VACHES
 

     Un armailli et son bouèbo, Pierre, descendent dans la vallée le troupeau et les fromages fabriqués durant l'été sur l'alpage. Bloqués par les terrains inondés des premières pâtures, ils demandent à leur curé de leur dire une messe salvatrice. Le curé y consent en échange d'un fromage. Qu'à cela ne tienne répondent les bergers, que sa servante vienne le chercher. Soucieux de la vertu de la jeune fille, pensez, avec de pareils gaillards, le curé refuse mais, bientôt rassuré par les sincères serments des deux garçons, il accepte de réciter pour eux un Ave Maria, ce qui semble se révéler efficace pour permettre le passage du troupeau, et pose sa bénédiction sur les hommes, les bêtes, et les fromages.

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