mardi 5 février 2013

307,9 MEMOIRES LEMANIQUES : les sous-marins du Léman

 
     Dans son Decem Libro Historiarum, dit Histoire des Francs, rédigé en 572, Grégoire, évêque de Tours, conte qu'un prêtre attaché à la cour du roi Gontram fut expédié en mission sur les bords du Léman (Lemmani laci) afin d'en rapporter les exactes mesures, longueur, largeur, et profondeur. Le prêtre estima, aidé de plusieurs compagnons arpenteurs et de bateliers, que le Léman mesurait 400 stades de longueur sur 150 en sa plus grande largeur. Si l'on suppose l'utilisation des unités de mesure dites grand stade grec (192,27 m) et petit stade (147,85 m), il appert que les calculs furent assez justes en ce qui concerne la longueur totale du Léman, 76 kms estimés en lieu et place des 73 réels, mais laissent fort perplexe sur les résultats en largeur, 22 kms estimés sur les 14 réels. Quant à la profondeur du lac, on ne sait les conclusions atteintes par l'envoyé du roi des Francs, lequel note cependant que des truites de plus de 100 livres (!) abondaient dans ses eaux.
     Avec ses 307,9 mètres de pénétration maximale établis et sa moyenne de 154,4 mètres répartie sur l'ensemble du lac, le Léman est, certes, depuis longtemps sans plus de mystères, mais l'imaginaire s'est toujours plu à bâtir des abysses sous les lacs et des ciels entiers aux plafonds des chambres.
     Aussi, la première conquête moderne des fonds lémaniques, car sans doute y en eût-il dont nous ignorons tout, plus frustes et hasardeuses, (j'adore éployer devant moi une scène de moines descendus par leurs frères dans des futailles étanches équipées d'arrivées d'air en boyau de vache, de fenêtres de vision en verre à vitraux, et autres coquecigrues), se déroula-t-elle à Lausanne du 30 avril au 25 octobre 1964, à l'occasion de l'Exposition Nationale Suisse. Les organisateurs avaient vu grand. Les visiteurs pouvaient ainsi circuler à bord d'un monorail, atteindre le sommet de la tour Spiral à 101 m de hauteur, entendre une symphonie jouée par des machines, et grimper à bord du mesoscaphe Auguste Piccard pour gagner les profondeurs du lac. Le mesoscaphe avait été conçu et baptisé par l'océanaute Jacques Piccard en mémoire  de son père, l'illustre physicien suisse inventeur en 1945 du fameux bathyscaphe. On ignore pas qu'Auguste Piccard était lié au dessinateur Hergé, lequel s'inspira du physique de son ami pour créer le personnage du professeur Tournesol. (Dans les aventures de Tintin en arpitan - ou franco-provençal - Tournesol est d'ailleurs, en clin d'oeil pour initiés, rebaptisé Pêcard.)
     Le mesoscaphe, d'un poids de 160 tonnes et d'une longueur de 28 mètres, pouvait plonger à une profondeur de 800 mètres. C'était le premier sous-marin touristique du monde, construit par les chantiers Giovanola, à Monthey, dans le Valais. Durant toute la durée de l'Exposition Nationale, l'A.P emporta dans les fonds du Léman près de 33000 personnes sur 1000 plongées. Il est aujourd'hui, et depuis 2005, exposé au Musée Suisse des Transports de Lucerne.
     D'autres submersibles, ceux-ci de poche et à but strictement scientifique,  touchèrent par la suite le plancher du Léman. En 1979 ce fut, autre création de Jacques Piccard, le F.A Forel PX-28 (ainsi baptisé en hommage à François-Alphonse Forel, un des pionniers modernes de la recherche lémanique), appareil d'un poids de 11 tonnes et de 7,55 m de long, à trois places. Puis, en 2011, à Ouchy, les deux sous-marins russes auto-propulsés MIR 1 et MIR 2, achevés de construction en 1987 par la firme finlandaise Rauma Repola, en collaboration avec les ingénieurs de l'Institut océanographique Shirshov.
     Les deux " frères " avaient été de véritables stars techniques sur le plateau du Titanic de James Cameron, et leur venue en Suisse entrait dans le cadre du projet scientifique ELEMO (Exploration des Eaux Lémaniques.)
    Mais le Léman en avait vu d'autres, et l'on peut penser que la rencontre entre le vieux lac mythique et les " icônes " russes se solda par un aimable statu quo...
                                                                                                   François Mottier.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire