mardi 5 février 2013

FAVENTIA JULIA AUGUSTA PIA BARCINO : mon excitant bagage à main Barcelonais, Art Chaotique, Prodiges, Sonar, & révolver Bull-Dog



     Pour ma première venue à Barcelone, je voulais des compagnons de goût, des alliés sûrs, des guides sans guides qui me feraient mordre la poussière des références, en deux mots, des artistes.
     Etant moi-même un artiste, poète et écrivain du cloud, je fis choix d'un quatuor sulfureux pour une Barcelone sulfureuse : deux écrivains, une peintre, et un musicien et artiste multidisciplinaire.
     Les écrivains furent André Pieyre de Mandiargues et son roman La Marge, prix Goncourt 1967, et Eduardo Mendoza et sa Ciudad de los Prodigios, Mendoza ayant naguère, lors d'une rencontre à la Comédie du Livre de Montpellier, brisé en menus morceaux mes convictions sur ce que pouvait - ou non - être le roman historique d'une ville, et sur ce que pouvait - ou non - être un polar. ( Mes doutes s'étaient, il est vrai, considérablement affaiblis par attaque d'une fièvre d'ébahissement, quelques années auparavant, à la lecture de la Praga Magica d'Angelo Rippelino.)
     Si Pieyre de Mandiargues suit d'un pas de promeneur l'errance dépressive de son héros Sigismond jusqu'à son nonchalant suicide au révolver bull-dog, c'est une Barcelone lourde des fumets de friture et de liquide séminal, entre le soleil débusqueur d'ombres et les marins abrutis de mauvais vin, vacillants à la traversée des plazas, qu'il nous invite à célébrer.
     Mendoza, quant à lui, abandonnant un temps son sordide et drôlatique détective aliéné, caractère principal  de plusieurs de ses romans, et chantre singulier de la cité que l'on découvre dans le Mystère de la Crypte Ensorcelée (1982), le Labyrinthe aux Olives ( 1985), l'Artiste des Dames (2002) et El Enredo de la Bolsa y la Vida (2012), nous conte, avec maints sourires graves et oeillades ravageuses, une Barcelone meurtrie d'Histoire et joyeuse de vie, brutale et carnavalesque, emplie jusqu'à la gueule de savants fous et d'humanistes, de spectres, de vierges folles et de prodiges, de légendes et de truands magnifiques.
     Conxa Bravo, ex-avocate devenue l'impératrice barcelonaise de l'Art Chaotique, me posa un délicieux problème. Je savais que ses bleus avaient été comparés à l'IKB (International Klein Blue) du plasticien Yves Klein, et ses compositions de bêtes et d'hommes aux représentations de Jean-Michel Basquiat. Je parcourais, buté, son oeuvre, mais quoi ? Il n'y avait aucune sécurité où, sottement, s'assurer. Les bleus de Conxa n'appartiennent qu' à elle, et du diable si ses créatures ont jamais été aperçues ailleurs. Tout est formidablement et bellement violent chez Bravo, une violence que connaissent tous les enfants au jeu, propre aux mythes, aux dieux, et aux aventures sauvages. La fine fleur d'un art rare très barcelonais, où excellent une poignée d'artistes volontairement retranchés de par le monde : Jannette Donnely à Boston, Jean-Jacques Surian à Marseille, Jordi Santacanas à Villanova, ou Rein de Lege à Rotterdam et Barcelone.
     Sergio Caballero... J'avais visionné plus de trente fois son film Finisterrae (2010), métrage étonnant, d'un hermétisme inspiré évitant l'image gourmée et le propos prétentieux, véritable nuancier de sons et beau à mourir. Cet artiste multidisciplinaire, metteur en scène, musicien, passeur de sonorités et créateur d'une des plus étonnantes manifestations de Musique Avancée et Mew Media Art d'Europe, Sonar, m'avait touché sans bluff, et il faisait désormais, lui aussi, partie de ma Barcelone prochaine.
     J'espérais, enfin, mêler ma vision rêvée/dérêvée déroulée sans fin de la ville, à celles de ceux qui l'habitaient.
     Mandiargues, Mendoza, Bravo et Caballero : mon excitant petit bagage à main pour Barcelone...
     Ahora, podia irme.
                                                                                                                    François Mottier.

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