mardi 5 février 2013

MASSALIA : Paul Morand à Marseille, gangsters à l'ail et archéonostalgie du voyageur-lecteur

 
     Le texte n'est pas long. 5 pages, 141 lignes, 1096 mots dans mon édition de poche fatiguée. Mais on peut aujourd'hui encore le lire et le relire jusqu'au bout d'une des nuits du Panier.
     MARSEILLE, l'un des chapitres de l'ouvrage de Paul Morand Méditerranée, mer des surprises, accueilli en 1938 au sein de la vénérable maison d'édition tourangelle Mame, est une machine à remonter le temps qu'il serait dommage de ne pas emprunter. On y évolue dans une archéonostalgie du voyageur-lecteur. On démonte les mâts d'une fête aux dorures ternies. la mémoire se fraie un chemin, glisse en douceur avec son regard de mémoire, fatalement cafard et oblique, parmi les héritières à Bugatti et les sidis à fez, l'allongée du bar de l'Hôtel de Noailles et les cafés à embauche de matelots.
     Morand, c'est Bibi Fricotin qui se tient, Tintin dans la Carrière. C'est un monde d'écoutilles et de tables réservées, d'apaches et de vieux lustres noircis de chiures, de rajahs et de bleus de chauffe, de mâts marconi et de marchés de fauves en gros. Les formules sont ahurissantes et claquent au vent comme un pavillon levantin. Ce Marseille-là s'emplit de gangsters à l'ail, d'Italiens pendus en grappes aux plate-formes des trams, de globe-trotters américains au menton encadré de barbe, comme sur les dollars, de Salomés algériennes, d'émigrants enceints d'or, ou de rougets à yeux jaunes.
     Les décors sont à l'unisson : les vieux forts Saint-Jean et Saint-Nicolas roses comme le crabe dans la bouillabaisse de chez Basso, et la ville toute entière légende de la datte, roman de l'arachide ou chanson du coprah.
     MARSEILLE, et quelques autres surprises de ce petit volume, c'est Morand que l'on crût écrivain pressé et que l'on découvre expert nonchalant, c'est l'homme qui, comme l'écrivit fortement Olivier Frébourg, autre bourlingueur de ports, se rêva trafiquant, " homme libre troquant ses chaussures anglaises contre des espadrilles, mais déjà englué dans les convenances de la civilisation."
                                                                                   Leleh Gialloantico.

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