mardi 5 février 2013

OLISSIPO, CHRONIQUES LISBOETES : Shining Arrival


     Dans le vol TAP, mon voisin de siège, un vieil homme courtois, me tend la main et se présente. Je ne puis demeurer en reste.
     Il opine avec sagacité, sans réelle surprise.
   - Mottier ? Comme du Mottier de La Fayette ?
   - Oui, comme La Fayette...
   - Il existe un beau livre sur ce grand patriote...celui de M. Joseph Delteil...
     Qu'on me porte sur un plateau du Motier de La Fayette ( avec un T, incidemment, pourquoi diable ne l'ai-je pas précisé à mon charmant vieux monsieur ?) et Delteil ne m'étonne pas le moins du monde. Peut-être le devrais-je ? Mais je vole vers le Portugal, vers Lisbonne, et il semblerait que là-bas les plus inattendus spots littéraires soient aussi surfés que les bons vieux courants à la montante du Wijk aan Zee Noordpier aux Pays-Bas. En tout cas, un de mes amis qui, à mon contraire, ne traîne pas en dilettante dans Lisbonne une semaine-ici une semaine-là, mais y demeure, figurez-vous,  m'a appâté par ses merveilleuses chroniques où de mystérieux barnums surchargés de livres y apparaissent fugitivement à l'angle des rues, où des lecteurs, nez collé à la page, glissent sous ses fenêtres comme de silencieuses nefs de culture, indifférents aux fracas de la cité.
     Mon voisin s'endort. Un peu de lecture. Up, le magazine de la compagnie aérienne, présente en couverture une jolie brune à peau crémeuse engloutie dans une baignoire de paprikas. La photo illustre un dossier sur les plaisirs d'une escapade hongroise, et la mise à l'honneur du talentueux jeune chef portugais Miguel Vieira, du restaurant Costes, à Budapest.
     Après le plateau-repas, (sans piments), je sombre à mon tour. Consignes explosant en cabine et ébrouements soudains me réveillent. Je n'enregistre au-delà du hublot rien de plus que la terre de Sienne brûlée et les jaunes de bâtiments uniformes, une sorte de serpent de mercure qui est peut-être le Tage.
     L'aéroport est presque vide et ronronne. Le soleil encore impuissant se brise sur des banquises de verre grisé. Passant devant une porte de service entrebaîllée, une odeur de mandarine chimique et de pieds me prend à la gorge.
     Qi'importe.
     Eu sou em Lisboa.
                                                                                                            François Mottier.
 

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